Le jeudi 25 novembre 2010 dernier se tenait à Paris une conférence de l’ANDRH sur le thème « Discriminations et harcèlement, de nouveaux enjeux sensibles pour les DRH ».
La conférence avait lieu dans un cabinet d’avocats spécialisé « employeurs » boulevard de la Madeleine dans le 8è arrondissement (cabinet Simmons et Simmons).
De nombreux DRH des plus grandes entreprises étaient présents.
Je vous donne ici un bref compte-rendu de l’événement.
La conférence était basée sur les définitions juridiques, bien entendu, dont je ne ferai pas ici une recension. Je reprendrai plutôt des faits marquants, liés à l’actualité et au contexte.
Les dossiers de licenciements discriminatoires augmentent
Concernant les discriminations, les deux avocates du département Droit Social de ce cabinet, Me Laurence Renard et Me Claire Le Touzé, qui animaient la conférence, ont notamment indiqué que :
- On constate actuellement beaucoup de contentieux de licenciement discriminatoires.
- La discrimination indirecte existe : par exemple, mettre régulièrement des réunions le vendredi soir à 18h30 discrimine les jeunes femmes avec enfants.
- En projet : les critères de l’apparence physique et de l’adresse d’habitation (quartier) devraient être ajoutés prochainement aux critères actuels qui définissent la discrimination.
- Un nouvel arrêt de la Cour de cassation du 6 juillet 2010 a condamné une entreprise dont la DRH avait porté plainte au motif qu’elle était moins payée que ses collègues masculins du Comité de direction, à égalité hiérarchique (Directeur financier, Directeur technique). La DRH n’avait pas attaqué l’entreprise sur le principe de la parité hommes/femmes, mais sur celui de l’égalité de traitement, en se basant sur l’adage « A travail égal, salaire égal », c.à.d. en comparant 2 situations.
- Le principe de l’égalité de traitement risque d’entrainer une suppression de la distinction entre cadres et non-cadres dans le futur. Déjà, une jurisprudence récente a admis qu’il n’était pas justifié d’attribuer des tickets restaurants aux cadres et pas aux non-cadres.
- L’entreprise doit s’appuyer sur des arguments objectifs pour prouver que ses décisions (recrutement, licenciement, non renouvellement d’un CDD) ne sont pas discriminatoires mais fondées sur des critères professionnels.
- Le juge regardera quels critères l'employeur va utiliser pour licencier.
- Pour justifier le licenciement des cadres, l'entreprise peut s'appuyer sur les entretiens d'évaluation qui donnent des éléments objectifs : par exemple, des problèmes de management, le retour négatif des équipes.
" Il faut travailler en amont pour avoir des éléments de preuve, les entretiens annuels sont une mine pour les DRH et les Prud'hommes " ont souligné Me Laurence Renard et Claire Le Touzé, tandis qu'un DRH mettait en garde contre l'instrumentalisation des entretiens d'évalutation dont le but véritable n'est pas de constituer des éléments de preuves contre les salariés.
Il a ajouté que les syndicats conseillent toujours aux salariés de ne jamais signer un entretien d'évaluation pouvant leur porter préjudice.
Une autre DRH a expliqué que tout dépend en effet comment la grille de l'entretien d'évaluation est composée : certains entretiens d'évaluation ont une partie où le salarié peut s'exprimer, d'autres non. Elle a également raconté l'histoire vraie d'une vendeuse d'un grand magasin qui, après son mariage où elle s'était converie à l'islam pratiquant, avait fait théâtralement son entrée dans l'entreprise, à son poste de travail, vêtue du voile islamique intégral, toute en noir de la tête aux pieds, à tel point que l'on ne pouvait même pas la reconnaitre derrière sa burqa !
« Le harcèlement moral est un réel problème en plein développement »
Concernant le harcèlement moral, Me Laurence Renard et Me Claire Le Touzé ont confirmé certains de nos propres constats et ont répondu aux craintes des DRH.
En effet, elles ont expliqué qu’un DRH ou un dirigeant peut se retrouver en garde-à-vue suite à une plainte au pénal d’un salarié pour harcèlement moral. Un DRH présent a notamment témoigné avoir été en garde-à-vue et avoir été condamné à 1€ symbolique de dommages-intérêts il y a quelques années.
De plus, il y a eu un changement des sanctions : depuis le 29 juin 2010 dernier, le harcèlement moral a été aligné sur le harcèlement sexuel (15 000 € d’amende et 1 an d’emprisonnement).
Selon Me Laurence Renard et Me Claire Le Touzé, « le harcèlement moral est un réel problème en plein développement ».
Elles ont rappelé que, dans un arrêt récent, la jurisprudence a considéré que les méthodes de management peuvent créer du harcèlement moral.
Devant les tribunaux (au civil et au pénal) on constate une « envolée des dossiers de harcèlement moral », une véritable « inflation ».
Selon Me Laurence Renard et Me Claire Le Touzé, la loi contre le harcèlement moral se trouve aujourd’hui utilisée systématiquement dans les dossiers par les salariés. « Mettre en place de la prévention aide les entreprises à se protéger, mais ce n’est pas un parapluie » ont-elles ajouté.
Notons que la même augmentation des plaintes de salariés pour harcèlement moral a été constatée par l’Inspection du Travail et par une autre avocate Me Agnès Cloarec-Mélendon, lors de la conférence du MEDEF de la semaine dernière (voir mon post précédent).
La jurisprudence insiste de plus en plus sur l’obligation de sécurité et de résultat qui est exigée de l’employeur. Elle est donc de plus en plus sévère à l’encontre des entreprises en se basant sur ce critère.
En outre, la Halde est régulièrement saisie par des salariés sur des dossiers de harcèlement moral avec discriminations, ce qui a également été constaté par l’Inspecteur du Travail à la conférence du MEDEF.
La Halde instruit uniquement à charge et pas selon le principe du contradictoire (charge et décharge), ce qui aggrave le dossier pour l’entreprise.
Même si elle devrait être bientôt remplacée par une institution commune, le futur « Défenseur des Droits » qui rassemblera plusieurs secteurs (enfance maltraitée, discriminations, etc.), avoir la Halde dans un dossier de plainte d’un salarié est très défavorable aux entreprises.
Selon Me Laurence Renard et Claire Le Touzé, la grande difficulté des DRH est de se retrouver seuls face aux cas de harcèlement moral.
Me Laurence Renard et Claire Le Touzé conseillent aux DRH :
- De faire quelque chose face à un cas de harcèlement moral, de ne pas mettre cela sous le boisseau, sinon ça va empirer.
- D’utiliser la médiation, qui n’est pas assez utilisée, mais qui est une très bonne idée.
- De ne pas rester seuls.
- De s’adresser au CHSCT en tant que partenaire pour mettre en place les médiations, les processus de prévention des risques psycho-sociaux et les processus de lutte contre les discriminations et le harcèlement moral.
- De former le middle management à de meilleurs comportements managériaux en prévention du harcèlement moral.
Me Laurence Renard et Claire Le Touzé ont bien entendu parlé de l’ANI de mars 2010 devenu obligatoire en juillet 2010 : ces conseils sont effectivement ceux indiqués dans le texte de l’ANI.
La perversion dans l’entreprise n’est pas une question juridique
Au cours de cette conférence, je suis intervenue dans le débat pour évoquer le problème de l’augmentation de la perversion dans l’entreprise, et donc dans la société. Car ce phénomène est, avec l’incompétence managériale, la véritable cause des souffrances au travail et du harcèlement.
En effet, pour moi, gérer la problématique du harcèlement moral de façon efficace, ce n’est pas opposer les entreprises et les salariés en deux camps ennemis mais c’est considérer objectivement le phénomène de la perversion au quotidien. Il faut sortir du discours idéologique à la française issu de la lutte des classes des années 70 pour arriver à un discours plus pragmatique qui résoudra les cas de harcèlement.
En réalité, dans les cas de harcèlement moral, les victimes ne sont pas opposées aux entreprises. Non : ce sont les entreprises et les cibles du harcèlement qui sont toutes deux… victimes des pervers manipulateurs !
Bien sûr, les syndicats doivent défendre les salariés et c’est leur rôle démocratique de le faire. Mais si les directions et les DRH considèrent les salariés et les syndicats comme leurs ennemis jurés qui peuvent les envoyer en garde-à-vue pour harcèlement, tout ce petit monde est mal parti pour dialoguer.
Les parties en présence ne parviennent pas à dialoguer entre elles : elles ont besoin d’un intermédiaire. Un coach humaniste et compétent peut alors intervenir en ayant la confiance de tous les acteurs du harcèlement moral dans l’entreprise : direction, victimes, syndicalistes, CHSCT.
Car un avocat n’est pas un coach ou un psychologue : il n’est pas en mesure de discerner les pervers dans l’entreprise, ceux qui harcèlent les autres et qui de plus, font les fausses plaintes en jouant les victimes.
Mais si on les repère, on peut mettre en place la bonne stratégie car le pervers nuit à l’ensemble de l’entreprise, pas seulement à ses collègues. Et il coûte cher.
De plus, un avocat n’est pas formé non plus à résoudre les problèmes de management qui créent du harcèlement…
Un avocat met en marche la machine juridique pour répondre à une question technique. Mais parfois la réponse juridique ne suffit pas…
C’est pourquoi un coach spécialisé dans le traitement des souffrances au travail et du harcèlement moral en entreprise peut aider à démêler le mensonge de la vérité et apporter diverses solutions, notamment des solutions de gestion et de prévention des cas, mais aussi de formation.
Selon moi, un coach bien formé peut (entre autres) repérer les pervers dans l’entreprise et éviter ainsi à celle-ci bien des ennuis.
Il peut aussi travailler en binôme avec l’avocat sur les aspects techniques du Droit, notamment dans les cas de licenciement des pervers manipulateurs. Le pervers narcissique étant incurable, il faut oser s’en séparer.
Pour l’instant, les entreprises ont le réflexe avocat dès qu’il s’agit d’un cas de harcèlement. Mais même ce cabinet employeurs le conseille : il ne faut pas rester sans rien faire et attendre que ça empire. Le DRH éclairé doit travailler en partenariat avec le CHSCT et mettre en place une médiation.
Voici donc des conseils de bon sens, qui feront faire des économies de temps et d’argent aux entreprises. Et surtout qui éviteront aux DRH de se retrouver derrière les barreaux s’ils ne laissent pas pourrir les situations de harcèlement moral.
Qu'est-ce qu'un pervers narcissique dans l'entreprise ?
Lu sur le site d’un psychologue suisse, un excellent portrait du pervers narcissique dans l’entreprise :
http://www.findyounow.ch/forum.php?post=6
Remerciements
Je remercie l’ANDRH et Me Laurence Renard et Claire Le Touzé du cabinet Simmons et Simmons pour cette excellente conférence où leur bon sens a rejoint l’efficacité.
Je signale que notre association ISTHME-Recherches n’est pas une association de victimes pouvant ester en Justice contre les entreprises.
Le but de notre association ISTHME-Recherches est d’instaurer un dialogue entre les entreprises, les syndicats et les victimes (les vraies !) afin de contribuer à résoudre le problème du harcèlement moral et du management immoral, dans le but d’apporter plus de bien-être et de performance dans les entreprises.
Et mon cabinet de coaching œuvre sur le terrain pour accompagner les victimes et conseiller les entreprises ainsi que les CHSCT en ce sens.
Contactez-nous pour toute demande d’information gratuite et sans engagement : Association isthme.recherches@gmail.com ou Cabinet coachingethique@gmail.com