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samedi 14 août 2010

LE HARCELEMENT MORAL EN CHIFFRES

Selon plusieurs études réalisées par le Workplace Bullying Institute (WBI) aux Etats-Unis entre 2000 et 2010, les chiffres du harcèlement moral sont renversants.

En effet, il n'existe pas de chiffres récents et aussi détaillés en France, notamment sur les réactions des entreprises et l'avenir professionnel des victimes.

Alors, les données des Etats-Unis peuvent nous instruire utilement.

Ces chiffres peuvent faire réfléchir autant les victimes que les DRH français qui vont deveoir mettre en oeuvre dès la rentrée de septembre 2010 l'accord national interprofessionnel (ANI) de mars dernier sur le harcèlement moral et la violence au travail.

En effet, un arrêté ministériel qui rend l'application cet ANI obligatoire dans les entreprises a été publié début août au Journal Officiel.

Donc dès le retour des vacances, les entreprises françaises vont devoir se pencher sérieusement sur le sujet.

Un peu d'inspiration en provenance d'Outre-Atlantique pourra leur montrer les erreurs à ne pas commettre, surtout que la Cour de Cassation est en train de devenir de plus en plus stricte dans son interprétation de la loi de 2002 contre le harcèlement moral.



"Bullies are too expensive to keep" (WBI)
(Les harceleurs coûtent trop cher
pour qu'on les garde dans l'entreprise).

Aux Etats-Unis le harcèlement moral au travail coûte chaque année en moyenne aux entreprises classifiées dans le top des FORTUNE 500 :

- 16 millions de dollars en frais de turnover.

- 8 millions de dollars en pertes de productivité.

- 1 million de dollars en frais d'avocats.

C'est pourquoi le WBI conseille aux "cibles" du harcèlement moral en entreprise de faire un rapport sur tout ce que leur harceleur a coûté à l'entreprise par son comportement, et de verser cela au dossier de leur plainte.

Notons que les Américains refusent à juste titre d'utiliser le mot "victime" et préfèrent le mot "target" / "cible".



"Employers do nothing" (WBI)
(Les employeurs ne font rien)
"Sur les cas de harcèlement moral reportés à la Direction des Ressources Humaines (DRH) de l'entreprise par la "cible", quelles ont été les résultats obtenus ?"

C'est la question posée par WBI sur son site dans un récent sondage.

Les réponses (à choix multiples donc le % total est supérieur à 100%) sont édifiantes.

- Dans 38% des cas, la DRH n'a rien fait et le harcèlement moral a augmenté.

- Dans 38% des cas, la DRH a réalisé une action, mais n'a pas pu arrêter le harcèlement moral : les conséquences ont été positives pour le harceleur, mais négatives pour la cible qui a subi des représailles pour s'être plainte.

- Dans 30% des cas, la DRH n'a rien fait et le harcèlement moral a continué de façon identique.

- Dans 5% des cas seulement, la DRH a réalisé une action (enquête ou médiation) et le harcèlement moral a pu être stoppé, les conséquences ont été négatives pour le harceleur (sanction ou licenciement) et positives pour la cible.



Harcèlement moral et perte d'emploi

Les chiffres du WBI montrent que :

- Si vous êtes la cible de harcèlement moral, vous avez 64% de probabilités de perdre votre emploi.

- Les pertes d'emploi sont constituées par :

# la mutation à un autre poste chez le même employeur dans 11% des cas ;

# la démission de la cible dans 38% des cas ;

# le licenciement la cible dans 44% des cas.

- Inversement, seuls 1,6% des harceleurs ont été licenciés depuis le début de la crise économique actuelle, contre 44% des victimes qui le sont.

Ce chiffre invalide les théories des entreprises américaines qui d'après le WBI prétendraient que la crise leur a servi à "purger" les entreprises en licenciant les harceleurs.

Il démontre que la théorie n'est pas vraie.

Les chiffres du WBI sur l'avenir professionnel des victimes de harcèlement moral sont confirmés par une étude de la consultation de souffrance au travail de l'hôpital de Garches en région parisienne.

Le nombre des victimes qui perdent leur emploi en France suite à du harcèlement moral est quasi-identique à celui des USA.

Tout comme moi et je suis fière de le dire ici, le WBI conseille aux victimes de rechercher activement un autre emploi pendant qu'elles sont toujours en poste, sachant qu'au niveau statistique 5% des cas seulement sont résolus de manière équitable pour la victime qui perd le plus souvent son emploi : 72% des cas en France se terminent par une perte d'emploi et plus de 50% par une dépression qui dure encore 18 mois plus tard.

Donc il faut rester dans une stratégie gagnante et ne pas adhérer à l'idéologie "c'est la faute de la victime si elle est harcelée" affirme le WBI qui déplore une société basée sur le concept du "blame the victim".

Selon le WBI, si l'on devient une cible, c'est qu'un harceleur cruel s'est invité dans votre vie sans votre consentement...



D'autres constats du WBI

- 72% des harceleurs sont des supérieurs hiérachiques.

- La majorité des cibles du harcèlement moral sont des femmes, les plus vulnérables étant les parents isolés ("single parent worker").

- Mais d'après un article de la presse française lu sur Internet, en France une nouvelle population est aujourd'hui touchée : les cadres et cadres supérieurs hommes, broyés dans les fusions acquisitions où il y a des doublons sur des postes et où on ne veut pas licencier parce que cela coûte trop cher. Donc on placardise, on fait craquer, etc.

Voir le cas de France Télécom qui vient d'être condamné en juin 2010 dernier par la Cour de Cassation à payer 400 000 Euros de dommages intérets à un cadre supérieur placardisé...

- 40% des personnes harcelées n'en parlent jamais à leur employeur.


Enfin au delà des chiffres, le WBI a constaté que :

- Les fondements du harcèlement moral sont systémiques, l'organisation du travail et le mode de management en sont les causes. Le WBI a ainsi créé le concept de "Abusive Workplace".

- Le harcèlement moral s'infiltre dans les failles du système.

- Par exemple, le WBI a détecté dans une étude portant sur 1000 victimes, quelles sont les 25 tactiques utilisées par le harceleur pour nuire à sa cible. Toute entreprise qui permet à ces tactiques de se développer en est indirectement responsable.

- L'employeur est donc responsable de l'environnement managérial qu'il a créé, et il peut défaire ce qu'il a fait, affirme le WBI.

- Ce postulat est confirmé par un arrêt de la Cour de Cassation française de 2009, qui considère l'employeur responsable d'un mode de gestion qui favorise le harcèlement moral (mais aux USA, la loi est en retard par rapport à chez nous).

- Le WBI qui a plus de 10 ans d'expérience dans le conseil aux organisations sur ce sujet, conseille aux entreprises de mettre en place une charte écrite des comportements inappropriés et donc interdits, en terme de prévention cela serait le seul modèle efficace.

- En général, dans l'entreprise, tout le monde a peur du harceleur, y compris son propre supérieur hiérarchique, donc personne n'ose le confronter.

- Pour éviter la confrontation, le harcèlement moral est souvent présenté à tort par la Direction ou les RH comme un conflit de personnalités, ce qui permet de ne pas sanctionner la personne qui terrorise tout le monde.

Voila du grain à moudre, comme on dit, pour préparer la rentrée.

A bientôt.

coachingethique@gmail.com









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