Bonjour, alors que se tient bientôt le FORUM DE LA
MIXITÉ, je vous offre ici un article que j'avais écrit et publié dans LE FIGARO
ECONOMIE en 2000. Cet article a pour moi une valeur sentimentale, c'est
pourquoi je l'ai gardé en mémoire dans mon ordi, car c'est mon tout dernier
article de journaliste. Quand je suis devenue coach, j'ai arrêté de rédiger des "papiers".
Bonne lecture.
LES CRÉATRICES D'ENTREPRISES BRISENT LE PLAFOND DE VERRE
Quitter le statut de salariée quand le « plafond de verre » bloque l’ascension de leur carrière vers les sommets de la hiérarchie, est l’une des motivations - encore méconnue mais réelle - des femmes cadres qui créent leur entreprise.
Le « plafond de verre » est le nom que, dans les années 80, les féministes américaines ont donné à la barrière invisible qui empêche les femmes de progresser dans la hiérarchie des entreprises.
LES CRÉATRICES D'ENTREPRISES BRISENT LE PLAFOND DE VERRE
Quitter le statut de salariée quand le « plafond de verre » bloque l’ascension de leur carrière vers les sommets de la hiérarchie, est l’une des motivations - encore méconnue mais réelle - des femmes cadres qui créent leur entreprise.
Le « plafond de verre » est le nom que, dans les années 80, les féministes américaines ont donné à la barrière invisible qui empêche les femmes de progresser dans la hiérarchie des entreprises.
En France, le « plafond de verre » existe aussi. Plus encore, il constituerait une importante motivation des femmes cadres à quitter le statut de salariée pour créer leur propre entreprise. Bien que peu de chiffres soient disponibles sur ce sujet, cette tendance des femmes cadres à créer leur entreprise pour échapper au « plafond de verre » est en passe de devenir un phénomène de société lié à celui des « solos » et attesté par de nombreux témoignages de créatrices d’entreprises que nous avons rencontrées. Les femmes cadres qui quittent l’entreprise se lancent en majorité dans les activités de conseil, secteur où selon l’APCE (Agence pour la création d’entreprise) elles sont aussi représentées que les hommes et en augmentation récente.
« La progression des femmes est bloquée dans les organisations pyramidales, déclare Christine Chauvet vice-présidente mondiale de l’association « Femmes chefs d’entreprises » membre du Medef, vice-présidente du Conseil économique et social d’Ile de France et ancien ministre ; il n’y a que 25% de femmes cadres dans les entreprises françaises, dont 9% de femmes cadres supérieurs, principalement dans les secteurs de la communication, des ressources humaines et du juridique, et seulement 2% de femmes dans les conseils d’administration des grands groupes. ».
Par ailleurs, une proposition de loi « relative à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes » a été votée en première lecture par l’Assemblée nationale en avril dernier et passera devant le vote du Sénat en septembre prochain (mon article a été écrit et publié en 2000, aujourd’hui cette loi existe mais peu de choses ont vraiment changé, NDLR). Le rapport préparatoire de la députée (PS) Catherine Génisson sur la « mixité professionnelle » constate, lui aussi, aussi de nombreuses inégalités de salaire et de carrière entre hommes et femmes, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il reconnaît notamment l’existence du « plafond de verre », qui se traduit aussi par une différence de salaire d’un tiers entre les cadres masculins et féminins. La loi, si elle est votée, incitera les entreprises à mettre en place, sous peine de sanctions, des mesures de rattrapage pour les femmes, assorties d’aides financières accordées aux entreprises les plus innovantes en faveur des femmes. Il semble pourtant bien difficile d’obliger les entreprises à briser le « plafond de verre » pour promouvoir la carrière des femmes cadres...
Blocages des promotions et harcèlement moral
Comment se manifeste le « plafond de verre » et comment pousse-t-il les femmes les plus entrepreneuses vers la création ? Il semble que les entreprises pénalisent l’ambition de femmes à la forte personnalité, alors qu’elles recherchent ces qualités d’affirmation de soi chez les managers masculins. Isabelle Alonso, chroniqueuse sur Europe 1et auteur des livres « Et encore je me retiens » et « Les hommes et les femmes sont égaux, surtout les hommes » (éd. Robert Laffont), était commerciale dans un cabinet de conseil financier en 1983. Elle est l’exemple le plus célèbre de ces femmes cadres qui veulent être reconnues à leur juste valeur. Avec humour, elle raconte : « Trois hommes ont eu une promotion et moi rien, alors que je réalisais le meilleur chiffre d’affaires. Le directeur m’a dit clairement : une femme peut être commerciale de base, mais encadrer des hommes, pas question ! C’est comme cela que je suis partie pour monter ma propre société, qui marche très bien et dont je ne m’occupe plus à présent pour me consacrer au journalisme. Le plafond de verre existe, et pas seulement le plafond, mais aussi les murs et toute la maison ! Je remercie cependant ce monsieur, mon ancien directeur : sans lui je n’encaisserai pas, encore aujourd’hui, les dividendes de l’entreprise que j’ai créée ! »
Francine B., ingénieur, ancien responsable de projets dans un grand groupe high tech a, elle aussi, vécu récemment une histoire similaire : « Après une réorganisation, mes collègues masculins ont gardé leurs fonctions mais moi, on m’a proposé un poste de débutant alors que j’avais 15 ans d’expérience. On m’a reproché d’être trop autonome et trop responsable. Un comble ! De plus, les barrages et les blocages que j’ai subis de la part de mon directeur étaient proches du harcèlement moral. C’était insupportable de travailler dans des conditions pareilles. » Face à ces pressions, Francine B. a fini par négocier son départ et créer sa société de conseil.
Pour résister dans l’entreprise et tenter de faire bouger les choses, certaines femmes cadres s’organisent en associations. Ainsi, « Femmes et Finance » rassemble une centaine de femmes cadres de la fonction financière, qui échangent des informations et pratiquent la solidarité. « Quand une femme n’est pas reconnue dans une entreprise, elle n’a pas beaucoup de choix : soit trouver un parrain qui l’aide à progresser dans sa carrière, soit partir, affirme Marie-Claude Lory, présidente de l’association ; confrontées à des bâtons dans les roues, à un nouveau supérieur hiérarchique qui les rétrograde, ou à l’injustice de voir leurs projets récupérés par quelqu’un d’autre après une fusion-acquisition, la majorité des femmes à des postes décisionnaires changent très souvent d’entreprise. »
Concilier vie privée et vie professionnelle
Autre raison à la moindre proportion de femmes aux postes-clés des entreprises : concilier vie privée et vie professionnelle. Celles qui ont réussi à atteindre les sommets ont organisé leur vie familiale en fonction de leur carrière : « Il faut plus d’organisation et des nerfs d’acier, commente Catherine Petot, Directeur Général des poupées Corolle depuis 4 ans, aujourd’hui âgée de 48 ans et mère de deux adolescents ; surtout entre 30 et 40 ans quand les enfants sont petits... J’ai toujours eu quelqu’un à plein temps pour m’aider à la maison. » Catherine Petot a débuté comme chef de produit chez un fabricant de vêtements d’enfants où elle est montée jusqu’au poste de DG de filiale. « Aujourd’hui, je n’ai pas de combat, mais au départ j’ai senti des difficultés, une discrimination et une concurrence interne, de la part des égaux comme des collaborateurs » confie-t-elle. Toutes les femmes cadres n’ont pas fait le même choix. Comme Anne T., 49 ans, cadre supérieur dans une grande banque et mère de trois grands enfants, certaines ont préféré privilégier leur vie familiale : « Le soir, je rentre rarement chez moi avant 20h30, mais je ne suis pas au top, au niveau de carrière où j’aurais pu être, déclare-t-elle, parce que j’ai passé plusieurs périodes à mi-temps pour m’occuper de mes jeunes enfants. »
Pouvoir maîtriser son emploi du temps est justement une motivation de la création d’entreprise par des femmes, comme l’affirme Christine Chauvet : « Nous allons assister à augmentation importante des 27% actuels de femmes créatrices d’entreprises, car les TPE (très petites entreprises, ou solos, NDLR) vont aussi se développer comme outil de gestion du temps. Aux Etats-Unis, les créatrices sont à présent 52% et leur poids économique est reconnu par les pouvoirs publics. »
Ce sont les femmes les plus impliquées professionnellement qui quittent l’entreprise quand celle-ci ne leur donne plus la possibilité de s’épanouir. Alors que les entreprises recherchent aujourd’hui des managers qui possèdent un esprit d’entrepreneurs, il est regrettable qu’elles n’aient pas encore trouvé comment retenir et encourager des femmes managers qui pourraient devenir leurs meilleurs dirigeants.
Sophie Soria
LE FIGARO ECONOMIE (pages "saumon" du lundi, année 2000).
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